Sinistres facettes : La Peregrina MUDRA

Sinistres facettes - La Peregrina

Diamants, rubis et saphirs, par ici les carats ! Les pierres précieuses ne sont pas seulement synonymes d’éclat et de prestige. Elles recèlent aussi du mystère et des intrigues. Par exemple, certaines pierres hors du commun sont tristement célèbres pour le malheur qu'elles ont attiré sur leurs propriétaires.

Je vous invite à faire un voyage à travers ces superbes pierres précieuses et les récits mystérieux, tragiques voire surnaturels qu'elles recèlent.

La Peregrina – La perle errante qui apporte de la malchance en amour

Il a été très difficile de suivre cette perle qui est passée de mains en mains, de cous en cous au travers de nombreux pays et continents. Elle porte un nom de circonstance car Peregrina signifie pérégrine. Une pérégrine est une étrangère, qui est dans un pays dont elle ne vient pas, une nomade, une pèlerine.

 

DÉCOUVERTE AU PANAMA

Les spécialistes ne s'accordent pas sur son origine, mais on pense généralement que La Peregrina ("la pèlerine") a été découverte au XVIe siècle au large des côtes du Panama. Considérée comme la plus grande perle au monde, elle a été apportée à Madrid par l'explorateur Vasco de Balboa, qui l'a offerte au roi Ferdinand V. Elle a ensuite été transmise à son arrière-petit-fils, le roi Philippe II, fils aîné de l'empereur du Saint-Empire romain germanique Charles Quint et petit-fils de Philippe le Bel et Jeanne la Folle de Castille, fondateurs de la dynastie espagnole des Habsbourg.

 

LE RÈGNE DE "BLOODY" MARY TUDOR

En 1554, Philippe II envoya la perle comme cadeau de fiançailles à sa promise qu'il n'avait pas encore rencontrée, Marie Ière d'Angleterre, la fille aînée du roi Henri VIII et de sa première épouse Catherine d'Aragon.

Lorsqu'ils se sont finalement retrouvés face à face, Philippe II aurait maudit l'artiste qui, selon lui, avait exagéré les charmes de Marie. L'importance accordée à la Peregrina est attestée par de nombreux portraits d'elle, dont une œuvre de 1554 du maître flamand Hans Eworth.

Mary Tudor
Portrait de Mary Tudor portant la Peregrina - Wikicommons


Cependant, Marie, une catholique pieuse, était détestée. On la surnommait Bloody Mary (Marie la sanguinaire, rien à voir avec le cocktail...) pour les 300 protestants qu’elle envoya au bûcher, les 100 morts en détention et les 800 exils effectués au cours de ses cinq années de règne. Rarement vue sans la perle, on dit que Bloody Mary la portait lors de ces exécutions, ajoutant à sa supposée mauvaise énergie.

À sa mort en 1558, la perle est retournée au trésor espagnol, pour être portée par une succession de rois et de reines, pendant près de 300 ans. La perle « errante » portait bien son nom.


L'ÉPOQUE NAPOLÉONIENNE

Les pérégrinations de La Peregrina durant la première moitié du XVIIIe siècle restent un mystère, mais la perle semble être restée dans le trésor espagnol. Elle a été portée par Maria Luisa de Parme, la dernière reine du pays au XVIIIe siècle, qui a été fréquemment peinte par Goya. Ses contemporains la décrivaient comme une femme rustre et moralement corrompue qui dominait son faible mari, le roi Charles IV. Encore des bad vibes…

Marie Louise d'Orléans



Portrait de Maria Luisa d'Orléans Reine d'Espagne par José Garcia Hidalgo- Wikicommons

 

Maria Luisa avait de nombreux amants, tandis que son mari préférait passer son temps à la chasse. Pourtant, Charles essaya en vain de satisfaire la soif inextinguible de bijoux de sa femme. Trouvant insuffisante l'exquise pureté de La Peregrina, elle la fit remonter dans une boule ovale de diamants avec une bande gravée en son milieu qui déclarait en lettres d'émail noir : Soy La Peregrina (Je suis la Peregrina). Pas du meilleur goût, nous sommes d’accords….

 

En 1808, les forces de Napoléon Bonaparte s'emparent de l'Espagne et les membres de la famille royale sont contraints de fuir, laissant un vide sur le trône d'Espagne. Napoléon le comble en nommant son frère alcoolique, Joseph Bonaparte, roi. Joseph ne parvient pas à unifier le pays et, face aux menaces de soulèvement national, il s'enfuit de Madrid et rentre en France en 1813, emportant avec lui La Peregrina et ses couches de mauvaises énergies.

 

À Paris, Joseph offre la perle à Hortense de Beauharnais, la fille à la beauté ravissante de l'impératrice Joséphine. Napoléon, cependant, avait contraint Hortense, sa belle-fille de 19 ans, à épouser Louis, l'un de ses autres frères. Ce fut un mariage sans amour, mais Hortense accompagna consciencieusement son mari à La Haye lorsque l'empereur les nomma roi et reine de Hollande en 1806. Une fois encore, la Perle ne ment pas sur sa capacité à accompagner les amours malheureux.

À sa mort en 1837, elle lègue La Peregrina à son fils aîné survivant, Louis-Napoléon, le futur Napoléon III.

 

LA SUCCESSION D'ABERCORN

À court d'argent, Louis-Napoléon vend la perle à son ami James Hamilton, le deuxième marquis d'Abercorn, un noble britannique et un favori de la cour de la reine Victoria (il sera plus tard nommé premier duc d'Abercorn). James avait acheté La Peregrina comme cadeau pour sa femme, Louisa, et celle-ci était terrifiée à l'idée de l'égarer. "Pour ma mère, c'était une source incessante d'anxiété", écrit Lord Frederic Hamilton, l'un de ses 14 enfants, dans ses mémoires de 1921 " Here, There and Everywhere". Selon lui, la perle n'avait jamais été percée et ne pouvait donc pas être fixée, et elle "tombait constamment de sa monture".

 La perle glissante a été héritée en 1885 par le fils de Hamilton, le deuxième duc, qui l'a fait percer pour que sa femme puisse la porter sans risquer de la perdre. En 1913, elle a été polie et son poids exact a été enregistré : 202,24  grains, soit 50,56 carats ( pour rappel 1ct = 0.20g). À son tour, elle a été héritée par le troisième duc, puis par le quatrième, qui l'a offerte à un joaillier londonien qui l'a consignée chez Sotheby Parke Bernet à New York pour une vente aux enchères en 1969.

RICHARD BURTON ACHÈTE LA PEREGRINA POUR SA FEMME, ELIZABETH TAYLOR

Ayant eu vent de la vente, Richard Burton a téléphoné à Sotheby's et a réussi à faire une offre de 37 000 dollars pour La Peregrina comme cadeau de Saint-Valentin pour sa femme, Elizabeth Taylor, l'une des femmes les plus célèbres du monde à l'époque.

 

Liz Taylor et Richard Burton

 

À la demande de Burton, Ward Landrigan, le responsable du département bijouterie de la maison de vente aux enchères, a accepté la mission pour le moins excentrique de livrer une perle portée par quatre siècles de rois européens à un couple de rois d'Hollywood séjournant au Caesar's Palace à Las Vegas.

 

Dès qu'elle l'a reçue, Taylor a eu le coup de foudre. "J'ai adoré la mettre autour de mon cou et la sentir osciller", a-t-elle déclaré dans ses mémoires intitulées My Love Affair With Jewelry. "La perle était tellement sensuelle que je ne pouvais pas m'empêcher de la caresser." Mais quelques minutes plus tard, son excitation s'est transformée en terreur.

 

"Elizabeth a traversé la pièce en criant : 'Ward ! Ward ! La perle a disparu!'" Landrigan se souvient. "Je lui ai dit : 'Tu as regardé entre tes seins?'. Elle a répondu : "Oui !" Six ou sept d'entre nous étaient à quatre pattes pour essayer de trouver une perle dans le tapis à poils longs."

 

Landrigan a rampé devant un canapé blanc et a entendu un bruit inquiétant émanant de dessous. "L'un des chiens pékinois d'Elizabeth croquait quelque chose", se souvient-il. "Elizabeth a ouvert la gueule du chien et La Peregrina a surgi ! Cette perle avait survécu sans dommage à 500 ans d'histoire, et elle portait les petites marques de dents de son chien !"

 

Ravie de sa perle légendaire, Elizabeth Taylor choisit de porter La Peregrina dans plusieurs films ; le premier fut Anne des mille jours, le film de 1969 dans lequel Burton incarne le roi Henry VIII. Ce fut un début de circonstance pour La Peregrina, la perle royale.

Liz Taylor
Elizabeth Taylor et la Pelegrina dans le film Anne des Mille jours

 

En décembre 2011, la perle Peregrina est vendue, en tant que partie de la collection d'Elizabeth Taylor, lors d'une vente aux enchères chez Christie’s à New York, montée sur le collier de diamants créé par Cartier. Sa valeur est estimée à 3 millions de dollars, mais les enchères dépassent largement ce montant et grimpent jusqu'à 10,5 millions, ce qui fait 11,8 millions avec les frais , soit plus de 300 fois, le montant payé par Richard Burton, en 1969.

CONCLUSION

Cette perle a été portée par de nombreuses femmes au travers des âges, offertes à des reines lors de mariages forcés, portées par des reines sanguinaires ou aux mœurs légères et est devenue le symbole des amours contrariés. Et cette réputation ne fit pas exception avec Liz Taylor qui fût mariée 8 fois avec 7 hommes différents. L'histoire ne dit pas si les actuels propriétaires sont aussi victimes du pouvoir de La Peregrina...

Si vous adorez les perles, je vous invite à découvrir les nombreuses créations 



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